Joachim Du Bellay est un poète du XVIe siècle, né à Liré. Le Grand Logis accueille un musée dédié à son oeuvre, sa vie et son époque.
12 Août 2018
Le petit village si cher à son cœur, s’élève sur un coteau qui domine la Loire, et depuis le Château de la Turmelière où il passe sa jeunesse, il contemple cette vallée. Lieu de toute beauté qu’il exulte dans ses poèmes, il en est nostalgique à son départ.
Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village
Fumer la cheminée, et en quelle saison
Une absence qu’il espère brève, le temps d’étudier et d’accomplir son rêve de gloire. Il quitte Liré vers 1545 pour la Faculté de Poitiers.
Ce n’est qu’en 1947 que Joachim réapparaît dans son petit village. Plus de 400 ans après, Liré lui rend hommage en édifiant un monument à son effigie. C’est le retour tant espéré de l’enfant chéri, qui n’a jamais pu revenir de son vivant.
L’histoire de cette sculpture est rocambolesque. Pour un peu et elle n’aurait jamais vu le jour. Un concours de circonstance est à l’origine de sa création, dont voici le récit.
Depuis 1894, Joachim, placé au bord de la Loire, exilé en terre bretonne, contemple de son immortalité de bronze, les coteaux de son petit Liré. La ville d’Ancenis est la première à statufier ce grand poète de la Renaissance, en déplaise à Liré qui se contenta jusqu’alors de bien peu pour honorer son souvenir.
Les habitants se sentant quelque part dépossédés de leur patrimoine fustigent, en témoigne la plainte d’une habitante de Drain:
Rendez-moi le clocher de « mon petit village »
Et le paisible seuil de « ma pauvre maison »,
Etrangers, qui m’avez sans rime ni raison,
Couronné, malgré moi, sur ce Breton rivage. […]
Menacée par les troupes allemandes, l’œuvre d’Adolphe Léofanti disparaît. Pensant alors que la statue a été envoyée à la fonte, la Direction des Arts et des Lettres passe aussitôt commande à un sculpteur angevin très estimé, Alfred Benon (1887-1965).
L’artiste natif de Saumur, considéré comme l’un des derniers maîtres de l’école angevine, est particulièrement attaché à sa région natale. Depuis plusieurs années, Alfred Benon utilise pour ses œuvres le tuffeau gris ou jaune et l’ardoise bleue d’Anjou. Inspiré par la figure de Joachim Du Bellay, il se consacre à l’étude de son portrait et réalise de nombreuses œuvres à son effigie.
Dès le début de l’été 1943, Alfred Benon se rend à son atelier à Saint-Martin-de-la-Place pour commencer son modèle demi grandeur. Il reproduit la maquette qui avait été choisie précédemment pour le projet d’érection d’une statue Joachim Du Bellay en Anjou à la veille de la guerre de 1939.
Finalement à la Libération, on découvre le Du Bellay de bronze soigneusement mis à l’abri par de braves Ancéniens. On s’empresse alors de replacer sur son socle le rescapé, sans trompettes ni tambours.
Pour son « remplaçant » de pierre, le président des artistes angevins, Henri Coutant, suggère aux Beaux-arts d’attribuer la statue à l’Anjou, dans le petit village natal du poète. La proposition est acceptée. L’inauguration officielle est prévue le dimanche 24 août 1947.
Cette journée se veut une réplique de 1909, qui marqua le début de l’œuvre de glorification du poète. Après la cérémonie, placée sous le haut patronage des Ministères de l’Education nationale et de la Jeunesse, des Arts et des Lettres, le programme annonce des concerts, des récitations et des représentations, plaçant cette journée littéraire sous les meilleurs auspices.
Avant le départ de la statue pour Liré, elle est présentée par l’artiste dans son atelier d’Arcueil à quelques personnalités, artistes et membres de la presse parisienne et angevine. Tous les visiteurs font l’éloge le plus chaleureux, exprimant leurs vives félicitations à l’auteur, Alfred Benon.
Grâce à lui, l’immortel enfant de Liré pourra désormais contempler, du haut de son socle, à l’ombre de sa « pauvre maison » qui lui était « une province et beaucoup davantage », et son « Loyre gaulois », plus chers à son cœur que le « mont Palatin » et le « Tybre latin », dans l’atmosphère de cette « doulceur angevine » plus « plaisante » pour lui que « l’air marin » des côtes d’Italie.
Le dimanche 24 août 1947 marque une date mémorable dans l’histoire de l’Anjou. Un de ses plus illustres enfants fait son grand retour. Le « petit Lyré » rend ainsi dignement hommage à Joachim Du Bellay, grand poète de la Renaissance, dont les vers l’ont immortellement célébré.